Protégé depuis 1953, à l’époque coloniale, le Parc National du Banco (PNB) est l’une des rares forêts primaires naturelles en milieu urbain. Deuxième en son genre après le parc national de Tijuca à Rio de Janeiro (Brésil), le Banco est un sanctuaire écologique unique au cœur d’Abidjan. Pourtant, ce poumon vert est aujourd’hui gravement menacé par la pression urbaine, les activités humaines et le manque de gouvernance écologique intégrée.
Une perte progressive du couvert forestier
Dans une capitale économique en perpétuelle expansion, le PNB résiste tant bien que mal à l’urbanisation galopante. D’une superficie de plus de 3 000 hectares, il assure un rôle vital dans l’équilibre environnemental d’Abidjan. Mais chaque année, il perd en moyenne 1,07 hectare de sa couverture forestière, grignotée par des quartiers précaires, des infrastructures routières, des activités industrielles informelles et des pollutions diverses.
Selon les données communiquées lors d’un panel organisé à l’ISTC de Cocody le 8 mai 2025, auquel ont participé Serge Alain Niango (écologue), Dr Zié Coulibaly (Ministère de la Culture) et le lieutenant-colonel des Eaux et Forêts Fousseni Coulibaly, la superficie du parc est passée de 3 132,35 ha en 2000 à 3 007,04 ha en 2019 – soit une perte de 4 %. Le couvert dense cède peu à peu la place à des formations dégradées, reflet d’un écosystème perturbé mais encore résilient.
L’inventaire botanique réalisé sur 130 placettes et 30 relevés linéaires a recensé 556 espèces végétales, dont 97 endémiques et 39 menacées d’extinction. Les familles Fabaceae, Rubiaceae et Apocynaceae dominent, avec des espèces emblématiques comme Chrysophyllum subnudum, Turraeanthus africanus ou Piptadeniastrum africanum.
Urbanisation anarchique et pression anthropique
Le parc est encerclé par les communes d’Abobo, Adjamé, Yopougon et Attécoubé. Il subit une forte pression liée aux installations industrielles, aux déchets domestiques et à l’expansion de zones d’habitation non planifiées. Les images satellites analysées entre 1955 et 1998 révèlent une régression de la forêt de 5 462 ha à 3 450 ha. Ce recul dramatique est accentué par des revendications foncières dans les villages périphériques comme Anonkoua Kouté, Sagbé, Agban-Attié, Agban-Village et Andokoi.
Le lieutenant-colonel Fousseni Coulibaly a évoqué lors du Banco Festival des pratiques illégales préoccupantes : braconnage, collecte de plantes médicinales, coupes de bois, rituels et même enterrements dans la forêt.
Un atout stratégique pour le développement durable
Malgré les menaces, le Parc National du Banco demeure un pilier de résilience urbaine. Il joue un rôle fondamental dans :
la régulation climatique (réduction des îlots de chaleur, purification de l’air),la gestion de l’eau (filtration des eaux de ruissellement), la séquestration du carbone (contribution à l’ODD 13),la conservation de la biodiversité (ODD 15), la réduction des risques naturels (inondations, érosion).
Sa préservation est donc essentielle pour l’avenir écologique et sanitaire d’Abidjan.
Quelle gouvernance pour sauver le Banco ?
Les experts appellent à une gouvernance participative intégrant :les collectivités locales,les scientifiques, la société civile, les jeunes générations.
Ils recommandent le développement d’infrastructures écotouristiques, de programmes éducatifs et de valorisation des savoirs locaux. Le Banco peut devenir un laboratoire d’innovation sociale et environnementale, conciliant modernité et écologie.
Le Dr Zié Coulibaly a souligné l’importance des connaissances traditionnelles et des expressions culturelles dans la préservation de la forêt. Pour lui, les chants, danses, récits et artisanats permettent de reconnecter les citoyens à la nature, en faisant du parc non seulement un espace écologique, mais aussi un élément fort de l’identité culturelle ivoirienne. Pour Zié Coulibaly il faut une forêt sacrée pour un avenir durable. Et en sus préserver le Parc National du Banco, c’est faire le choix d’une ville durable, où développement ne rime pas avec destruction. Le Banco doit devenir plus qu’un espace vert : le symbole vivant d’un Abidjan capable d’allier croissance urbaine et respect de la nature.
Foumséké Coulibaly
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