Venu couvrir la première édition de l’Ivoire Tech Forum à Abidjan, en Côte d’Ivoire, le journaliste béninois Hugues Comlan Sossoukpè, l’une des voix critiques du président Patrice Talon, a été arrêté le jeudi 10 juillet 2025 à son hôtel. Il a ensuite été extradé au Bénin, où il a été présenté, le lundi 14 juillet 2025, au juge des libertés et de la détention de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet).
Invité par le ministère ivoirien de la Transition numérique et de la Digitalisation à participer à ce forum, Comlan Sossoukpè était arrivé à Abidjan le mardi 8 juillet 2025, où il a été accueilli et installé par une délégation officielle des organisateurs, en sa qualité de journaliste et directeur de publication du journal Olofofo. Le journaliste était réfugié au Togo depuis 2019, car un mandat d’arrêt avait été émis par la Criet du Bénin contre lui.
Réaction de Reporters sans frontières
Arnaud Froger, responsable du Bureau d’investigation de Reporters sans frontières (RSF) a produit un communiqué dans lequel il a dénoncé cette arrestation.
« RSF condamne avec la plus grande fermeté l’arrestation et la remise de Hugues Comlan Sossoukpè par les autorités ivoiriennes aux autorités béninoises, en violation manifeste de son statut de réfugié. Nous exigeons des explications des autorités ivoiriennes, jusqu’alors silencieuses à ce sujet, et qui se sont rendues manifestement complices de la persécution bien établie d’un reporter en déployant des moyens considérables pour le livrer au Bénin. RSF appelle à la libération immédiate du journaliste et se réserve le droit d’engager toute action nécessaire pour que la coopération bilatérale entre deux pays ne soit pas détournée à des fins de répression transfrontalière contre les professionnels de l’information. »
Réaction de l’Union des journalistes de la presse libre africaine
Yao Noël, président de l’Union des journalistes de la presse libre africaine (Ujpla), a exprimé son inquiétude quant à la situation du journaliste béninois. « L’ Ujpla commence à avoir des inquiétudes sérieuses, parce que, déjà au mois d’août 2024, un autre cyberactiviste, le frère Hounvi, avait été enlevé au Ghana et extradé vers le Bénin, où il a été incarcéré, jugé et condamné à deux ans d’emprisonnement et un million de francs CFA d’amende. Est-ce que c’est devenu le mode opératoire toujours vers la même destination béninoise ? L’ Ujpla voudrait vraiment se préoccuper de cette situation pour ne pas que cela devienne le mode opération pour faire taire des voix dissidentes ou critiques », a dit Yao Noël, président de l’Ujpla, sur les antennes d’une Radio.
Réactions de ses avocats
Le collège d’avocats de Comlan Hugues Sossoukpè a produit une déclaration pour s’insurger contre son arrestation.
« Le Collège d’avocats, soussigné, exprime sa plus vive préoccupation quant à la situation particulièrement préoccupante de Monsieur Comlan Hugues Sossoukpè, journaliste béninois, défenseur des droits humains et lanceur d’alerte, exilé à Lomé (Togo) et bénéficiant, depuis 2019, du statut de réfugié, conformément à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. (…) Nous précisons, avec la plus grande fermeté, que toute interpellation de Monsieur Sossoukpè, opérée en violation de son statut de protégé international, hors de toute procédure judiciaire régulière et sans l’assistance d’un avocat, ne saurait, en aucun cas, être considérée comme une interpellation, une extradition ou une détention provisoire au sens du droit », peut-on lire dans le communiqué.
Puis, le Collège d’avocats précise :
« Dès le 11 juillet 2025, plusieurs titres de presse béninoise, relayés par les réseaux sociaux, ont rapporté son interpellation par les autorités ivoiriennes, suivie de sa remise immédiate aux autorités béninoises. Selon ces mêmes sources, il aurait été présenté au procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme du Bénin (CRIET) et aurait fait l’objet d’un mandat de dépôt. Effectivement, Monsieur Comlan Hugues Sossoukpè est actuellement détenu à la prison civile de Ouidah (Bénin).
Réaction du gouvernement Béninois
Wilfried Léandre HOUNGBÉDJI, porte parole du gouvernement du Bénin réagissant sur le sujet le lundi 14 juillet 2025 à Cotonou, a lancé un appel vibrant au patriotisme, en demandant aux citoyens – en particulier certains web activistes – d’agir avec responsabilité et discernement, et a dénoncé ceux qu’il a qualifiés de « suppôts de l’ennemi » pour avoir diffusé, selon lui, des rumeurs infondées sous couvert de liberté d’expression sur les réseaux sociaux
Il a affirmé que ces actions étaient, selon lui, orchestrées par des officines étrangères visant à déstabiliser le Bénin et à saper son unité nationale
Il a souligné l’importance de l’unité nationale, appelant chacun à « aimer le Bénin, le chérir », décrivant le patriotisme comme « notre première religion, notre premier parti politique »
Mamadou Ouattara
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