Au sommet de l’UEMOA des 11 et 12 juillet 2025 à Lomé, la désignation du ministre burkinabè pour assurer la présidence tournante du Conseil des ministres n’a pas obtenu le consensus espéré, provoquant le départ des délégations du Burkina Faso, du Mali et du Niger. La Côte d’Ivoire assure désormais l’intérim, illustrant l’isolement croissant de l’AES au sein de l’Union et les tensions nées de ce désaccord.
Une présidence tournante contestée
Conformément à l’article 11 du traité de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA), la présidence du Conseil des ministres de l’UEMOA revient, à tour de rôle pour deux ans, à l’un des ministres des Finances des huit États membres, actuellement assurée par la Côte d’Ivoire. Le 11 juillet 2025 à Lomé, la désignation du ministre burkinabè pour succéder à Abidjan n’a pas reçu le consensus nécessaire, entraînant le retrait des délégations du Burkina Faso, du Mali et du Niger, réunies au sein de l’AES.
Créée en 1994 pour promouvoir l’intégration économique, la stabilité monétaire et la convergence des politiques budgétaires, l’UEMOA repose sur l’usage commun du franc CFA et la coordination des réformes financières. À travers ce blocage, se révèle un fossé grandissant entre les partisans d’une coopération régionale traditionnelle – incarnée par Abidjan – et ceux, comme Ouagadougou, qui aspirent à un renforcement de la souveraineté économique via l’AES.
Le retrait progressif des États de l’AES de l’UEMOA les exposerait à plusieurs risques : perte de recettes issues de la libre circulation et des échanges intra-UEMOA, diminution d’investissements étrangers, et remise en question de la convertibilité du franc CFA. Pour l’Afrique de l’Ouest, une telle scission fragiliserait la cohésion régionale et ferait planer l’ombre d’une désintégration économique, tandis que l’ensemble du continent perdrait un exemple historique de stabilité monétaire.
Le repli qui coûte cher
En tournant le dos à l’UEMOA, l’AES se replie une nouvelle fois sur lui-même, prolongeant sa logique isolationniste amorcée par son retrait de la CEDEAO fin janvier 2025 et celui à venir de l’OIF. Cette stratégie, censée affirmer la souveraineté nationale, s’inscrit dans un schéma de politique extérieure qui privilégie les alliances avec Moscou ou Pékin au détriment des partenariats traditionnels, et justifie en interne un discours mobilisateur contre d’éventuels « ennemis extérieurs ».
Pour les populations de l’AES, déjà fragilisée par la crise sécuritaire, cet isolement diplomatique se traduit par une raréfaction de l’aide extérieure, un ralentissement des projets d’infrastructures et des restrictions de mobilité (visas) au sein de la sous-région. À l’échelle ouest-africaine, l’exclusion progressive du Burkina Faso fragilise les mécanismes de solidarité monétaire et fiscale, et remet en cause la capacité collective à faire face aux défis sécuritaires et économiques. Pour l’ensemble de l’Afrique, c’est un signal inquiétant quant à la capacité des États à maintenir leurs engagements régionaux.
À l’heure où la sous-région se heurte à des défis communs – insécurité, changements climatiques, pressions démographiques – le conflit diplomatique entre AES et Abidjan pose une question essentielle : la souveraineté se gagne-t-elle en s’isolant ou en renforçant les coopérations ?
Constantine
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