La semaine dernière à Tin-Zaouatine, l’Algérie a abattu un drone militaire malien estimé à 30 millions de dollars. Un prix élevé pour un pays dont la population vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.
C’est une première mais ce n’est pas un accident. Retour sur les faits, où un drone de ce type explose en pleine opération dans la région. « Crash de drone », « abattage hostile »… La semaine dernière, différentes hypothèses s’affrontaient. Dans un communiqué du 1er avril, le ministère de la Défense algérien confirme la neutralisation d’un drone de reconnaissance de l’armée malienne dans la nuit du 31, ayant violé l’espace aérien national « sur une distance de deux kilomètres ».
Rapidement, une enquête est lancée. Avant-hier, le ministre malien des Affaires étrangères en a annoncé les résultats. Le pays « conclu avec une certitude absolue que le drone a été détruit suite à une action hostile […] ». Par ailleurs, « l’aéronef est tombé à la verticale ». Selon cette même enquête, cela ne pourrait s’expliquer que par des tirs de missiles Sol-Air ou Air-Air.
Technologie de pointe à laquelle les FAMas ne semblent pas formés au vu des évènements récents, ces drones s’avèrent également particulièrement coûteux. L’appareil est un Bayraktar Akıncı, drone turc de dernière génération classé dans la catégorie HALE (haute altitude, longue endurance). Chaque unité coûte entre 20 et 30 millions de dollars. Le Bayraktar TB2, aussi de fabrication turque, est l’autre modèle largement utilisé par les armées sahéliennes. Il est classé dans la catégorie MALE (moyenne altitude, longue endurance). Chaque unité coûte entre deux et quatre millions de dollars.
Depuis 2020, le Mali, le Burkina Faso et le Niger investissent massivement dans ces drones turcs pour appuyer leur lutte contre les groupes armés. Le Mali dispose d’au moins 17 Bayraktar TB2 et de deux Bayraktar Akıncı. Le Burkina Faso opère également des TB2 et a récemment mis en service deux Akıncı. Le Niger, de son côté, utilise six TB2.
Plusieurs de ces drones, extrêmement coûteux, ont déjà été perdus sur le terrain. Au Mali par exemple, l’incident survenu lundi aurait entraîné la destruction du deuxième et dernier drone Bayraktar Akıncı des forces armées maliennes. Le premier s’est très probablement écrasé le 10 janvier 2025 à l’aéroport de Sévaré, dans des circonstances qui demeurent encore floues.
La perte de ces équipements militaires, d’une valeur de plusieurs dizaines de millions de dollars, est d’autant plus difficile à accepter dans une région où 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Les populations sahéliennes en première ligne
La pauvreté est encore à ce jour un défi majeur au Mali, au Burkina Faso et au Niger, trois pays sahéliens confrontés à des crises économiques, sécuritaires et climatiques. Au Mali, environ 45 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, avec une concentration importante dans les zones rurales du sud. Le phénomène est élevé dans toutes ses dimensions, reflétant des privations en matière de santé, d’éducation et de niveau de vie.
Le Burkina Faso connaît également une pauvreté élevée, avec plus de 40 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté. Cette précarité est particulièrement marquée en milieu rural, où elle atteint souvent plus de 50 %. Les crises sécuritaires, avec la présence de groupes armés terroristes, ont contribué à déstabiliser certaines régions, limitant l’accès aux services de base et aux opportunités économiques.
Le Niger est l’un des pays les plus pauvres du monde, avec environ 90 % de la population en situation de pauvreté multidimensionnelle. La dépendance à l’agriculture, qui est sensible aux conditions météorologiques, rend la population nigérienne particulièrement vulnérable aux sécheresses et aux inondations. Les inégalités sont criantes, avec des disparités marquées dans l’accès aux services de base comme l’éducation et la santé. Les femmes et les enfants sont particulièrement touchés, avec des taux de scolarisation faibles et des risques accrus de mortalité infantile.
Au Sahel, l’énorme investissement dans des drones de haute technologie, perdus dans des affrontements, contraste vivement avec la réalité de populations en grande souffrance. Alors que les États sahéliens consacrent des millions de dollars à la modernisation militaire, une grande partie de leurs citoyens continue de lutter pour accéder aux services de base.
Constantine
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