Le 18 août dernier, le gouvernement burkinabè a déclaré la coordinatrice résidente de l’ONU, Carol Flore-Smereczniak, persona non grata, accusant son rapport sur les enfants et le conflit armé d’être « mensonger ». Cette décision s’inscrit dans une série de mesures répressives contre les organisations humanitaires, après l’expulsion en décembre 2022 de Barbara Manzi, sa prédécesseure.
Entre restrictions administratives et suspensions d’ONG, les autorités burkinabè semblent privilégier le contrôle politique au détriment de l’aide vitale dont dépend une population en crise. Pourtant, en 2024, l’ONU a mobilisé plus de 505 millions de dollars pour soutenir des programmes humanitaires dans le pays. L’expulsion de Carol Flore-Smereczniak marque un nouveau chapitre dans la relation tendue entre le Burkina Faso et les Nations unies.
Le gouvernement lui reproche d’avoir co-présidé un rapport accusant les forces de sécurité burkinabè de violations contre des enfants, sans preuve suffisante selon Ouagadougou. Une décision qui rappelle celle de décembre 2022, où Barbara Manzi, alors coordinatrice de l’ONU, avait été priée de quitter le pays pour avoir « prédit le chaos » sans justification.
Cette méfiance envers les acteurs internationaux s’étend aux ONG. Depuis juin dernier, près d’une dizaine d’organisations, dont Geneva Call et l’Institut de recherche sur la paix au Sahel, ont été interdites d’exercer. Selon le gouvernement c’est le non-respect de la convention d’établissement qui a motivé cette décision. Il y a peine deux mois, l’ONG INSO a été suspendue à son tour après avoir été accusée de collecter illégalement des données. Des leviers qui selon les observateurs sont utilisés pour faire plier des organisations indépendantes. Ces mesures s’accompagnent d’un renforcement du contrôle administratif, avec une nouvelle loi sur la liberté d’association imposant la transmission des budgets et rapports financiers aux autorités.
Pourquoi un tel durcissement ? Les autorités burkinabè justifient ces décisions par une volonté de « remettre de l’ordre » dans un secteur jugé opaque. Derrière cette rhétorique se cache une stratégie de recentrage souverain, où la priorité semble être le contrôle politique plutôt que la réponse aux besoins humanitaires. Une approche qui pourrait avoir des conséquences dramatiques pour une population déjà en grande détresse.
Une population prise en otage par les tensions politiques
Le Burkina Faso traverse une crise humanitaire sans précédent. En 2024, 6,3 millions de personnes, soit 27 % de la population, avaient besoin d’une aide humanitaire. Parmi elles, 2,7 millions souffraient d’insécurité alimentaire aiguë, et plus de 2 millions étaient déplacées à l’intérieur du pays.
En conséquence, les ONG sont pleinement engagées pour diminuer les effets de cette situation critique. En 2024, la Croix-Rouge burkinabè, soutenue par un consortium international, a aidé plus de 123 000 personnes avec des distributions alimentaires, des soins de santé et des abris d’urgence. Pourtant, ces actions sont aujourd’hui menacées par les restrictions imposées par le gouvernement. En interdisant l’aide sous forme de transferts d’espèces ou en bloquant l’accès aux zones les plus touchées, les autorités burkinabè se privent d’une aide vitale pour soutenir sa population.
C’est pourquoi, sans l’aide humanitaire, les défis à venir semblent immenses pour Ibrahim Traoré et son gouvernement. D’autant plus, que les répercussions de la crise s’étendent directement sur la vie quotidienne des burkinabè. En effet, les infrastructures essentielles, comme les écoles ou les centres de santé sont de plus en plus ciblées. La priorité devrait être la coopération avec les acteurs humanitaires, pas leur exclusion. En choisissant la voie du contrôle absolu, le gouvernement burkinabè fait le choix de laisser sa population face à des besoins vitaux non satisfaits.
Quelle priorité est donnée par le gouvernement d’Ibrahim Traoré : la sauvegarde du pouvoir à tout prix ou celle de sa population ?
Constantine
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