Le 29 janvier 2025, les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) ont officiellement quitté la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Depuis les coups d’États au Mali, au Burkina Faso et au Niger, la stabilité de l’Afrique de l’Ouest s’est dégradée. Les échecs sécuritaires et la diplomatie agressive des pays de l’AES affectent la sécurité et la coopération régionale.
Selon les chercheurs Jonathan Powell et Clayton Thyne, un coup d’État est une « tentative illégale et manifeste de l’armée ou de l’élite au sein de l’appareil d’État de renverser l’exécutif en place ». Au Mali, le 18 août 2020, un groupe d’officiers militaires dirigés par le colonel Assimi Goita a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta après plusieurs mois de manifestations populaires et d’une pression croissante contre sa gestion de la crise sécuritaire et des accusations de corruption. Assimi Goita est désormais le Président de la transition de la République du Mali. Au Burkina Faso, le 24 janvier 2022, le président Roch Marc Christian Kaboré, à été renversé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Peu de temps après, le 30 septembre 2022, ce dernier est à son tour renversé par le capitaine Ibrahim Traoré, désormais le Président du Burkina Faso. Au Niger, le 26 juillet 2023, le président Mohamed Bazoum a été renversé par un groupe d’officiers militaires dirigés par le général Abdourahamane Tiani. Le coup d’État a lui aussi été justifié par la mauvaise gestion de la crise sécuritaire par le gouvernement. Abdourahamane Tiani est désormais Président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie. Depuis ces coups d’État, la crise sécuritaire dans la région s’aggrave. De plus, regroupé au sein de l’AES depuis le 6 juillet 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger mènent une diplomatie méfiante et agressive avec leurs voisins.
Aggravation de la crise sécuritaire et tensions diplomatiques
Les coups d’État au Mali, au Burkina Faso, et au Niger sont intervenus dans un contexte particulier de crise sécuritaire en Afrique de l’Ouest. Les nouveaux gouvernements ont assuré pouvoir endiguer la menace terroriste. Cependant, la situation sécuritaire n’a cessé de se dégrader. Pour tenter de lutter plus efficacement contre les groupes armés djihadistes, les pays de l’AES ont signé de nouveaux accords de sécurité avec la Russie. Dans le cadre de ces accords, des mercenaires russes de Wagner (aujourd’hui Africa Corps) ont été envoyés en renforts dans ces pays. Wagner opère au Mali depuis 2022. Selon l’organisation internationale ACLED, les activités et exactions des groupes djihadistes ont augmenté dans le pays depuis l’arrivée des mercenaires russes. En 2022, « l’État islamique » a été impliqué dans la mort de 8 fois plus de civils que sur la période de 2018 à 2021, et Al-Qaïda a été impliqué dans la mort de 3,5 fois plus de civils sur cette même période. De plus, les mercenaires russes se livrent à de nombreuses exactions contre les populations civiles (exécutions, tortures, viols, enlèvements, etc.). Un constat similaire peut être fait au Burkina Faso et au Niger. L’insécurité croissante dans ces 3 pays impacte leurs voisins. Les groupes armés djihadistes ont des réseaux transnationaux qui ne se limitent pas aux frontières. La Mauritanie, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et la Guinée sont de plus en plus sous la menace d’attaques terroristes. Ces pays sont contraints de renforcer leurs mesures de sécurité pour prévenir des attaques et limiter les mouvements transfrontaliers de combattants.
Les coups d’État au Mali, au Burkina Faso, et au Niger ont affecté les relations diplomatiques des pays de l’AES avec leurs voisins. Le Mali s’est retiré du G5 Sahel le 15 mai 2022, suivi du Burkina Faso et du Niger le 2 décembre 2023. Leur retrait a signé la fin de ce cadre de coopération sur la sécurité et le développement pourtant essentiel à la région. La Mauritanie et le Tchad, les deux derniers membres de l’alliance créée en 2014, ont acté, le mercredi 6 décembre 2023, sa dissolution. Après le coup d’État de juillet 2023, la CEDEAO a imposé d’importantes sanctions au Niger. Des sanctions que le Mali et le Burkina Faso ont refusé d’appliquer. Ces derniers avaient également soutenu le Niger lorsque la CEDEAO avait menacé d’y intervenir militairement pour y « rétablir l’ordre constitutionnel ». Le 28 janvier 2024, les pays de l’AES ont annoncé leur retrait de la CEDEAO qu’ils accusent d’être sous influence étrangère. Un retrait devenu effectif le 29 janvier 2025. Les coups d’État ont ainsi fortement dégradé la coopération régionale en Afrique de l’Ouest. Ils ont également dégradé les relations bilatérales entre États. Par exemple, après la levée de la grande majorité des sanctions de la CEDEAO en février 2024, le gouvernement nigérien a refusé de rouvrir sa frontière avec le Bénin. Les autorités nigériennes accusent le pays d’avoir permis l’installation sur son territoire de forces étrangères susceptibles de déstabiliser le Niger, ce que démentent fermement les autorités béninoises. Cependant, c’est par les ports du Bénin que 80 % du fret destiné au Niger transite. Le pays fait donc face à une inflation historique.
Les coups d’État successifs au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont non seulement exacerbé la crise sécuritaire en Afrique de l’Ouest, mais ont également fragilisé la coopération régionale et les relations diplomatiques entre les États. En dépit des promesses de leurs nouveaux gouvernements de stabiliser la situation, l’insécurité n’a cessé de progresser. L’isolement diplomatique croissant des pays de l’AES, notamment leur retrait de la CEDEAO et du G5 Sahel, témoigne d’une rupture significative dans l’unité régionale. Une rupture qui menace la stabilité de l’ensemble de la région.
Constantine
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