La communauté scientifique mondiale est à Abidjan, pour réfléchir sur l’avenir du café. Ouvert ce lundi, cet atelier d’envergure mondiale sur la conservation et l’utilisation des ressources génétiques du café qui se tient du 5 au 8 mai, va permettre aux chercheurs, experts et acteurs de la filière café de plusieurs pays de plancher sur les moyens de préserver et valoriser l’immense patrimoine génétique caféier, enjeu crucial pour la durabilité de la production mondiale.
Organisé par Crop Trust et l’Organisation Internationale du Café (OIC), avec le soutien du Conseil du Café-Cacao de Côte d’Ivoire, cet atelier marque une étape décisive dans l’élaboration d’une stratégie mondiale pour sauvegarder les ressources génétiques du caféier, considérées comme la pierre angulaire du développement de nouvelles variétés plus résilientes, plus productives et mieux adaptées aux défis climatiques.
« Le café, avec un potentiel de production de 20 000 tonnes sur 110 000 hectares, constitue avec le cacao l’ossature de notre économie nationale », a rappelé Dr Tahi Gnion Mathias, représentant du Directeur Général du Conseil du Café-Cacao, dans son discours d’ouverture. Il a souligné que plus de 1,1 million de producteurs vivent de cette filière en Côte d’Ivoire, qui se classe huitième exportateur mondial de café.
Cependant, ce statut est aujourd’hui menacé par des contraintes majeures, notamment les difficultés de conservation des collections génétiques, le manque de financements adaptés, et vulnérabilités face aux stress biotiques (maladies, parasites) et abiotiques (sécheresse, chaleur). « L’avenir de la diversité du café dans nos banques de gènes est en péril », a averti Dr Tahi, soulignant la nécessité de mutualiser les efforts pour en garantir la préservation et l’utilisation durable.
L’enjeu pour les pays producteurs est de taille à l’heure où le changement climatique bouleverse les modèles agricoles. Seule une exploitation judicieuse des ressources génétiques permettra, selon lui, de créer des variétés capables de résister à la sécheresse, aux maladies, tout en assurant un rendement élevé et une qualité organoleptique répondant aux exigences des marchés.
Pour Dr Christophe Montagnon, généticien du café depuis plus de 30 ans, les collections de plantes, longtemps reléguées à un rôle de « musée » sont désormais perçues comme des mines d’or. « Aujourd’hui, avec la pression du climat et des marchés, on se tourne vers ces ressources pour construire le café de demain », a-t-il déclaré, saluant le rôle pionnier de la Côte d’Ivoire, qui abrite à Divo l’une des plus grandes collections mondiales de caféiers — plus de 6 000 accessions représentant 22 espèces différentes.
Selon le Dr Kouassi Amani, directeur de la recherche et du développement agricole au CNRA, l’atelier d’Abidjan est une opportunité historique pour repositionner la Côte d’Ivoire comme un acteur incontournable dans la recherche caféière mondiale. « Les ressources génétiques sont comme un trésor. On ne les conserve pas pour les enfermer, mais pour les utiliser. C’est d’elles que naîtront les variétés de demain, plus rentables, plus résistantes, et surtout mieux adaptées aux besoins des producteurs », a-t-il expliqué. Il a notamment cité l’exemple du café dit “émergé”, une variété ivoirienne capable de produire en seulement 18 mois, avec un rendement pouvant atteindre deux tonnes à l’hectare.
Au-delà des aspects scientifiques, cet atelier revêt aussi une dimension stratégique pour les pays du Sud, souvent détenteurs des ressources génétiques, mais rarement maîtres de leur valorisation. Il s’agit, selon les organisateurs, d’instaurer un cadre équitable de partage des bénéfices issus de l’exploitation de ces ressources, en garantissant aux pays détenteurs — comme la Côte d’Ivoire — un retour concret en termes de développement agricole et de gains pour les producteurs.
Durant les quatre jours de travaux, les participants devront définir des mécanismes de coopération, de financement et de protection des collections génétiques, mais aussi poser les bases d’un système international où les ressources caféières seront partagées de façon responsable, transparente et profitable à tous les maillons de la chaîne.
L’atelier d’Abidjan ambitionne ainsi de faire émerger une nouvelle dynamique dans la recherche caféière mondiale, portée par une vision celle de faire de ces ressources génétiques non pas un héritage figé, mais un levier vivant au service de la durabilité, de la rentabilité et de la souveraineté des producteurs.
Wassimagnon
Lire l’article original ici.